VOUS MES FRERES

Vous frères inconnus, vous mes amis d'un jour,
Les fusillés de l'aube et les morts de la rue,
J'entends battre mon coeur en funèbre tambour,
Pour vos deuils sans convois et vos fins incongrues.

Vous frères disparus, enlevés sans témoins,
Pour un sort ignoré, une mort incertaine,
Le doute en nos esprits, même latent du moins,
Creuse, comme un acide, une peine inhumaine.

Vous mes frères souffrants, lâchement mutilés,
Dans le corps et dans l'âme, avec grande violence,
Dans le temps d'un éclair la vie a basculé
Et chaque jour renaît l'angoissante évidence.

Vous mes frères harkis, livrés odieusement,
Sans arme, sans défense, ainsi que vos familles,
Vos cris viendront, sans fin, raviver nos tourments
Et l'effroi de vos morts agrandir nos pupilles.

Vous mes frères d'exil, trahis dans votre foi,
Ma douleur se taira, mes yeux seront sans larmes,
Car quelque chose est mort au plus profond de moi
Et ma colère est seule à nouveau sous les armes.

Giens, le 24 juin 2000