REQUIEM POUR UN PAYS DEFUNT

Lisses et délavés, vaisseaux aux mâts brisés,
Les grands troncs d'arbres morts échoués sur la plage,
Leurs étraves sans vie après d'obscurs naufrages,
Rêvent qu'ils font jaillir des embruns irisés.

Tels sont mes souvenirs sur la grève des ans,
Rongés au sel du temps, épaves éphémères
Qu'y dépose la vie au reflux des chimères ;
Ils n'ont plus d'existence hors des terres d'antan.

Pauvre pays défunt, hier si animé,
Tu n'es que de la cendre où n'étaient que promesses ;
Et mon cri a jailli du fond de ma détresse,
Chagrin secret de l'âme, alors inexprimé.

Mon passé veut en vain supplanter l'avenir,
Mes yeux fouillent la nuit d'angoissantes ténèbres
Et seul, accompagnant de lourds convois funèbres,
Je mène vers l'oubli mes derniers souvenirs.

Giens le 28 janvier 2000