PLEINE LUNE

Je suis l'astre amoureux des océans profonds,
Et je gonfle leur sein en frôlant des abîmes
Dont mon glauque regard ne connaît pas le fond,
Où l'absolu silence est la barrière ultime.

Je hante les forêts aux lourdes frondaisons,
Et mets de l'irréel aux herbes des clairières,
Dans la sente où la nuit outre l'exhalaison,
Je peins des taches d'or de ma blonde lumière.

Mon regard bien plus froid que l'impassible acier,
Jusques aux sommets morts fait flamboyer les neiges,
Et dans leurs vastes flancs bleuir les noirs glaciers,
Tandis qu'au fond des vals l'ombre à l'ombre s'agrège.

Je me mire aux jardins, dans les bassins moussus,
Et ma tendre clarté caresse des statues,
Au corps de marbre blanc, se penchant au-dessus
Pour cueillir mon reflet que l'onde restitue.

Mais je vis aux déserts, grands de leur nudité.
Là, dans cet air glacial qui éclate les roches,
La solitude émeut la sensualité,
L'ocre dune s'éveille à ma furtive approche.

le 11 Octobre 1996