LES HARKIS
Quelque pierre, en boulant au
fond d'une ravine, Eveille des échos aux flancs noirs
des collines. Des chiens dissimulés, d'un aboiement
peureux, Arrachent la mechta au nocturne silence où
la fait se nicher l'ancestrale prudence Et la vie a repris
son cours aventureux.
Tandis que la vallée est
encore engourdie, L'aube allume aux sommets ses premiers
incendies, Où les peurs de la nuit viennent se
consumer. Des pas sur le sentier font crisser la pierraille,
Quand s'élève un appel. Alors une voix raille
Le guetteur somnolent qui vient de s'alarmer.
La harka s'en revient de sa nuit
d'embuscade Dans le lit d'un oued aux mythiques cascades :
Des heures sans bouger, rivés au mousqueton, Affût
où le chasseur peut devenir la proie, Où l'on
ne voit jamais celui que l'on foudroie, Sauf une silhouette
au bout d'un oeilleton.
Dans ce combat les fils viennent
se joindre au père, Bien qu'un frère parfois se
dresse contre un frère. Pour l'honneur d'un village et
pour sa liberté, A Monte Cassino, comme aux plaines
d'Alsace, Là au coeur des Aurès, ils ont su
faire face. Etre français, pour eux, est leur grande
fierté.
...Ceux qui ont survécu,
sauvés de la tourmente, Souffrent des jours amers,
sans joie et sans attente. En raison d'un passé qu'on
ne veut publier, Ces frères encombrants sont voués
au silence, Loin de tous les regards et dans l'indifférence,
Comme un remords latent que l'on veut oublier.
Le 5 juillet 1977
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