LE PREMIER SOIR

Quand la nuit est tombée, au premier soir d'exil
Et nos volets fermés aux rumeurs étrangères,
L'évidence eut raison de ces vaines chimères
Qui nous berçaient encor de rêves puérils.

Nous avons su alors, mais alors seulement,
Que tout était fini, sans aucune espérance,
Comme on ferme sa porte et que naît la souffrance,
Loin du bruit de la foule, après l'enterrement.

Cruelle et sans appel en sa réalité,
L'absence nous parut encor plus perceptible ;
Ainsi sans sa dépouille est plus irréductible,
La mort d'un être cher que nous avons quitté.

Le front dans nos deux mains, nous n'avions désormais
Qu'un goût de solitude et d'existence creuse
Et le sang qui battait, aux tempes douloureuses,
Martelait : « plus jamais, plus jamais, plus jamais ! »

Giens le 9 avril 2001